L'histoire du facteur Ferdinand Cheval et de son Palais Idéal

Dans un fin cahier bleu d'écolier, Ferdinand Cheval (1836-1924) a commencé à écrire, alors qu'il était âgé de 75 ans, un court récit intitulé "Histoire du Palais Idéal".

À la plume, d'une belle écriture régulière, ce bâtisseur de génie, solitaire et taiseux, apporte dans ce carnet quelques éclaircissements sur la réalisation pharaonique qu'il était sur le point d'achever et à laquelle, tout seul, il travaillait depuis plus de trente ans.
 

Dans la petite commune de Hauterives, en Auvergne-Rhône-Alpes, entre Lyon et Valence, l'édifice monumental s'étend sur 26 mètres de long, 14 de large et 10 de hauteur. La construction, toute en arabesques, volutes et circonvolutions minérales, est un ensemble artistiquement agencé où se mêlent géants de pierre, faune et flore sauvages, motifs architecturaux et épigraphes gravés.

Ce "temple des merveilles" bâtit avec 1 000 m3 de pierres maçonnées est né de l'imaginaire d'un employé des Postes taciturne et rêveur, sans aucune formation particulière, titulaire du seul certificat d'études primaires décerné à la fin des études élémentaires.
 

Pendant ses tournées, le facteur a pris l'habitude de récolter de belles pierres - celles en forme de boules bien rondes avaient sa préférence - qu'il trouvait au bord des routes.

Lors des premières années de l'édification de son œuvre, commencée en 1879 alors qu'il avait plus de quarante ans, Ferdinand Cheval a accusé quelques quolibets : "C'est un pauvre fou qui remplit son jardin de pierres".
 
Au début du 20e siècle, après trois décennies de travail, le facteur persévérant a commencé à connaître un certain succès et les visiteurs se pressaient pour admirer son Palais Idéal. C'est alors que le bâtisseur génial s'est coiffé d'une nouvelle casquette : celle d'un hôte accueillant, mais aussi un gestionnaire féru de marketing et de droit juridique.

Étonnamment, le cahier bleu a des allures de brochure publicitaire dans laquelle Ferdinand Cheval qualifie son édifice de "pittoresque, unique et le plus original au monde". Il évoque un "monument du génie et de la volonté", un "palais des mille et une nuits" ou un "palais des fées" et écrit que "le Dauphiné compte une huitième merveille".
 

Mais la modestie de Ferdinand Cheval évoquant son ambitieux projet reste de mise, et c'est aussi la fierté du travail accompli et la force de la persévérance qui ressortent de ses écrits :